Selon bon nombre d’observateurs, la corruption figure parmi des maux qui empêchent le développement de l’Afrique.

Conscient de cet état de fait, Mohamed DIAWARA, magistrat guinéen, auteur du bréviaire lexical à l’usage du juriste moderne, a dans un entretien accordé à guineelive.com, proposé une solution de lutte contre la corruption dans nos Etats.

Lisez…

Guineelive.com: Bonjour Monsieur le juge

Juge Mohamed Diawara : bonjour mon cher frère.

Que faut-il faire pour lutter efficacement contre la corruption dans nos Etats ?

Pour réussir la lutte contre la corruption, je propose à nos Etats d’adopter une stratégie visant à dissuader les différents protagonistes de la corruption (le corrupteur et le corrompu).

Selon l’article 3, alinéa 3 de la loi L/2017/041/AN du 04 juillet 2017, portant prévention, détection et répression de la corruption et des infractions assimilées en République de Guinée, la corruption est caractérisée par les agissements soit du corrompu, soit du corrupteur, soit des deux.

Trop souvent, en matière de corruption, le corrupteur n’existe pas sans le corrompu c’est pourquoi, je trouve judicieux que chaque Etat mette en place un moyen visant à instaurer une méfiance totale entre ces deux parties (le corrupteur et le corrompu) en vue de les dissuader face à ce mal commun qui, de nos jours, alimente l’inégalité, la pauvreté et l’insécurité en Afrique et même dans le reste du monde.

Comment y procéder ?

Il s’agira de créer une institution habilitée à recevoir des dénonciations dans les plus brefs délais et ce, doublé de la mise en place des mécanismes et garanties de fonctionnement des services de la chaine d’investigation notamment la protection des lanceurs d’alerte et journalistes d’investigation.

En principe, ce rôle incombe notamment à l’agence nationale de lutte contre la corruption et des infractions assimilées, déjà opérationnelle dans plusieurs Etats du monde.

Vous conviendrez avec moi que de même certains fonctionnaires, agents publics ou privés, dans l’exercice de leurs fonctions, seront à même de solliciter un cadeau ou article de valeur, quel qu’en soit le montant ou la nature, en échange d’une prestation, de même certains usagers du service public, clients ou citoyens seront  à porter à  payer un prix pour obtenir ce qu’ils désirent. C’est pourquoi, à chaque fois qu’un fonctionnaire, un agent public ou privé, dans l’exercice de ses fonctions, sollicite une contrepartie à un usager du service public, un client ou un citoyen, qu’on donne le droit à celui-ci, à travers une loi spéciale à remettre d’abord les fonds sollicités avant de faire la dénonciation de cette remise devant l’Institution habilitée et ce, dans un délai de 72 heures à compter de la date de remise des fonds, des valeurs ou du bien quelconque.

En conséquence, cette institution, via le procureur de la République compétent, pourra engager une poursuite contre le fonctionnaire, l’agent public ou l’agent privé dénoncé pour les faits de corruption.

Et pour les mesures provisoires ?

Des mesures provisoires pourront effectivement être prises afin que les fonds ou biens indûment acquis par l’agent corrompu soit restitués dans les plus brefs délais au véritable propriétaire. Ce faisant, le service qui a été rendu à l’usager du service demeurera comme tel si sa bonne foi est établie. N’est-il pas louable de considérer une telle situation de nature motivante comme une chance au bénéfice de l’usager du service public, du client ou du citoyen ?

Si l’offre venait de l’usager du service public, du client ou du citoyen, qu’il revienne au fonctionnaire, à l’agent public ou à l’agent privé, de dénoncer ces faits de corruption active devant l’Institution chargée de lutter contre la corruption.

Dans le présent cas, le fonctionnaire, l’agent public ou l’agent privé sera propriétaire du bien qu’il a reçu des mains du corrupteur et on ne saurait le lui retirer sauf agissements contraires à la loi. En conséquence, le service accompli au bénéfice de l’usager du service public, du client ou du citoyen sera nul et non avenu. N’est-il pas louable de considérer une telle situation de nature motivante comme une chance au bénéfice de l’agent public ou privé ?

Des deux parties, quiconque dénonce en premier sera le bénéficiaire de l’avantage escompté.

En réalité, la tentation est trop grande lorsqu’on compare le cadeau au salaire du fonctionnaire….

Exact ! Il est difficile pour un fonctionnaire, un agent public ou un agent privé de refuser un cadeau considérablement supérieur à son salaire, de même il est difficile pour un citoyen dans l’immense besoin, d’exclure le paiement de la somme d’argent sollicitée par un fonctionnaire, un agent public ou un agent privé. Mais, c’est à partir de ce moment que le fonctionnaire ou l’agent public doit faire montre de fidélité à la nation, résister à la tentation, refuser le cadeau et dénoncer le corrupteur.

Quels sont vos conseils à l’endroit des institutions ?

Chaque institution doit savoir que plus les citoyens sont mal accueillis dans les services publics ou privés, plus ils perdent l’espoir d’être servis sans pot-de-vin. C’est pourquoi, tout doit montrer à l’usager du service public, au client ou au citoyen que l’on s’occupe de lui et qu’on prête une attention particulière à son problème et ce, à travers un visage et un ton souriants, un vocabulaire adapté…, disponibilité, courtoisie et déférence doivent être de mise.

Lorsque toutes les conditions sont réunies pour satisfaire un usager du service public, un client ou un citoyen, l’agent public ou privé doit, sans retard, et sans espérer à une contrepartie quelconque, accomplir la mission qui lui est assignée.

Tout comportement qui, manifestement, exprime un manque de volonté de l’agent public ou privé d’accomplir sa mission sans retard porte à croire qu’il vise un intérêt égoïste.

Dès lors, chaque institution, éprise des valeurs morales doit attacher du prix aux demandes des usagers du service public, clients ou citoyens en vue de promouvoir des services loyaux sans lesquels, nous ne saurions parler d’institutions crédibles et efficaces. A méditer…

Entretien réalisé par
Daouda Yansané,
Spécialiste des questions
juridiques et judiciaires
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