Guineelive vous propose un extrait du Président  de l’UFDG à l’assemblée générale virtuelle du parti du samedi 26 juin

Alpha Condé s’enorgueillit d’avoir fait de la Guinée le 2ème exportateur mondial de bauxite avec 80 millions de tonnes exportées en 2020 contre seulement 15 millions de tonnes en 2010. Cette explosion de nos exportations de bauxite brute n’est pas en soi une performance à mettre à l’actif du gouvernement. Elle est consécutive à l’augmentation très forte de la demande mondiale d’aluminium, de l’existence d’importantes réserves de bauxite de bonne qualité dans notre pays et de l’épuisement et de la fermeture de certaines mines qui approvisionnaient plusieurs fonderies d’alumine et d’aluminium. La production mondiale d’aluminium est passée en effet de 23,7 millions de tonnes en 1999 à 57, 9 millions en 2015. La part de la Chine dans cette production mondiale d’aluminium est passée quant à elle de 11, 5% en 2000 à 54, 7% en 2015. Parallèlement, la production de l’alumine a augmenté à peu près dans les mêmes proportions en passant de 56, 2 millions de tonnes en 2002 à 115,2 millions en 2015.

Il faut rappeler que plusieurs compagnies minières qui exploitent actuellement la bauxite dans notre pays s’étaient engagées dans leurs conventions de base à construire des usines d’alumine et même d’aluminium. Le gouvernement aurait dû convaincre ces compagnies de respecter leur engagement initial et à soumettre les nouvelles compagnies à la même obligation. Surtout que la production d’alumine est moins complexe et requiert moins d’énergie que la production d’aluminium.

En général, on met les usines d’alumine là où il y a la bauxite et les usines d’aluminium là où il y’a l’électricité. Malheureusement, le gouvernement n’a pas respecté cette règle et a signé des avenants aux conventions de base libérant les compagnies de leurs engagements de créer des usines d’alumine en Guinée.

En renonçant à cette transformation sur place de notre bauxite, le gouvernement guinéen prive ainsi notre jeunesse de dizaines de milliers d’emplois et notre économie de la majeure partie de la valeur ajoutée qu’on aurait pu tirer de l’exploitation de notrebauxite. A titre d’exemple, l’usine de Fria a une capacité installée de 600.000 tonnes d’alumine par an. Pour ce faire, elle transforme environ 1,5 millions de tonnes de bauxite et génère 1200 emplois directs et 2000 indirects.

En transformant sur place les 80 millions de tonnes que nous exportons actuellement, on aurait créé 170.000 emplois directs et indirects pour la jeunesse guinéenne. Même si on ne transformait que la moitié de nos exportations brutes, on n’aurait généré 85.000 emplois. Ce qui est loin d’être négligeable dans le contexte de chômage endémique auquel notre pays est confronté. L’exploitation minière industrielle ne contribue actuellement qu’à environ 6, 5% de l’emploi formel alors qu’elle représente 22 du PIB et 80% des exportations.

Pour avoir une idée du préjudice économique qui résulte de l’exportation de la bauxite brute, il faut juste comparer le prix de la tonne de bauxite au prix de celle de la tonne d’alumine et d’aluminium sur le marché international. La tonne d’aluminium coûte 2400 dollars, d’alumine 300 dollars, de bauxite 45 dollars. Pour produire une tonne d’alumine, il faut 2,2 tonnes de bauxite ; 1 tonne d’aluminium, environ 2 tonnes d’alumine. En exportant 80 millions de tonnes de bauxite brute à raison de 45 dollars la tonne, on obtient 3,600 milliards de dollars. En les transformant sur place, on obtient 36 millions de tonnes en alumine qu’on peut vendre au prix de 300 dollars la tonne, soit 10,8 milliards de dollars. La valeur ajoutée qu’on gagnerait en transformant sur place cette bauxite en alumine avant de l’exporter est donc de : (10, 80 – 3,60 milliards), soit 7,20 milliards de dollars. On peut facilement imaginer les effets positifs d’une telle politique sur l’emploi formel, le PIB, la balance extérieure et les réserves de change du pays.

Si la production et l’exportation de la bauxite ont enregistré une forte accélération ces derniers temps, les revenus miniers comptabilisés dans le budget de l’Etat n’ont, quant à eux, augmenté que très lentement. Alors que la part du secteur minier dans le PIB est de 22%, sa contribution dans les recettes de l’Etat ne représente que 13%. Cette faible performance fiscale des entreprises est la conséquence des importantes exonérations d’impôts et de taxes octroyés par le gouvernement aux entreprises minières à travers des conventions ad hoc et en violation des dispositions du Code minier.

Le FMI estime que ces exonérations négociées au cas par cas avec l’Etat représentent actuellement 7% du PIB, soit l’équivalent d’une année de recettes douanières. Ce qui veut dire que si ces entreprises payaient tous les impôts et taxes prévus au Code minier, la pression fiscale qui est actuellement en Guinée de 13% serait de 20%, c’est-à-dire au même niveau que le Sénégal et la Côte d’Ivoire.

Par ailleurs, selon le FMI, il y a de sérieux doutes qui pèsent sur la sincérité des prix de vente à l’exportation pratiqués par les compagnies minières. En effet, le prix de la tonne de bauxite exportée variait, en 2019, d’une compagnie à l’autre, de 14,30 dollars à 31.25 dollars. Si cette sous-facturation était avérée, elle pourrait être un autre facteur explicatif de la faiblesse des revenus de l’Etat tirés de l’exploitation de nos mines. Évidemment, on ne peut pas ne pas s’interroger sur les contreparties de ces exonérations et sous-facturations lorsqu’on connait les ravages de la corruption dans notre pays.

Au total, en exportant 80 millions de tonnes au lieu de les transformer sur place, le pays perd 170.000 emplois environ et 7, 2 milliards de dollars de valeur ajoutée. Et du fait des exonérations et des surfacturations, l’équivalent de 7% du PIB en recettes fiscales.

Source: Guineematin