Mohamed Mbougar Sarr, nouveau lauréat du Prix Goncourt 2021 avec son quatrième livre « La plus secrète mémoire des hommes », a répondu à l’invitation d’Africanews pour une interview.

Mohamed Mbougar Sarr est le premier écrivain noir africain à recevoir le prix le plus prestigieux de la littérature francophone et l’un des plus jeunes de l’histoire du Goncourt.

A cette occasion, différents thèmes ont été abordés avec l’écrivain sénégalais, notamment sa réaction à l’annonce de son prix. Nous avons également abordé la question de la littérature africaine et de ses différentes caractéristiques, l’impact du mélange culturel qu’il utilise dans son style d’écriture. Sans oublier l’influence de l’écrivain et ancien président sénégalais Léopold Sédar Senghor sur sa bibliographie. Enfin, le nouveau lauréat du prix Goncourt a parlé de la symbolique de son prix en termes de diversité et d’inclusion des écrivains africains dans les prix littéraires français.

Le prix Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires français, a été décerné mercredi au Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, pour son roman « La plus secrète mémoire des hommes« , devenant à 31 ans le premier écrivain d’Afrique subsaharienne lauréat ce prix.

Ndéa Yoka : Vous étiez le favori de nombreux prix cette année et est-ce qu’en écrivant la plus secrète mémoire des hommes vous vous attendiez à ce qu’il suscite autant d’intérêt ?

Mohamed Mbougar Sarr: « Oh bien évidemment que non, on ne peut pas si attendre le plaisir, la joie quand c’est annoncé en sont d’autant plus grands qu’on ne s’y attend pas qu’on ne le prépare pas qu’on ne le cherche pas et que littéralement ça vous tombe dessus. Je suis tout à fait heureux d’avoir reçu cette distinction. »

« Le plus important c’est de ne pas caricaturer la littérature africaine, ne pas l’essentialiser « 

Ce dimanche marque la journée internationale de l’écrivain africain, l’occasion pour nous de revenir sur la question de la littérature africaine. Qu’est-ce que pour vous la littérature africaine est-ce que selon vous, elle peut être définie ?

Mohamed Mbougar Sarr:« Ce qui me semble toujours le plus important, c’est de ne pas caricaturer la littérature africaine de ne pas l’essencialiser,car elle n’est pas une essence, mais de lire les écrivains africains qu’ils soient du continent ou originaire du continent. Je fuis un peu la question car c’est une question difficile qui est précisément l’un des thèmes de La plus secrète mémoire des hommes. Et cette tentative-là qui peut venir souvent d’ailleurs de dire,c’est la littérature africaine, c’est cela qu’on attend d’un écrivain africain. Tout un ensemble de choses qui réduise le champ des possibles de cette littérature. »

« La littérature africaine est très diversifiée, pensez-vous qu’elle pourrait exister sans l’influence de toutes ces langues étrangères qui ont traversé et laissé leur empreinte sur le continent ? »

Mohamed Mbougar Sarr: « Bien sûr qu’elle peut exister les littératures africaines peuvent exister dans plusieurs langues tout en restant absolument africaines. Et c’est cette situation de plurilinguisme qui est aussi la chance et le dynamisme formidable de ses littératures. Et il faut les exploiter à fond, ne pas opposer les langues, mais mettre en branle les traductions et toutes les possibilités de contact et exploiter toutes les richesses linguistiques. »

Quand on lit  » La plus secrète mémoires des hommes », on est vraiment plongé dans votre univers artistique, est ce que vous pensez qu’un jour, vous seriez apte à emmener vos lecteurs dans votre amour pour la littérature dans votre langue maternelle par exemple ?

Mohamed Mbougar Sarr: « Oui, c’est un projet que j’ai, je suis en train de me former. Pour écrire un jour en Sérère ou un en wolof, j’aimerais beaucoup faire ça, j’y tiens, car c’est aussi un autre monde, un autre imaginaire que je ne veux précisément pas lâcher. Un jour, c’est même certain que j’écrirais dans une ces langues-là. »

En préparant votre thèse, vous avez longuement étudié Léopold Sédar Senghor, est-ce que vous êtes en mesure de dire qu’il a eu un impact sur votre style ?

Mohamed Mbougar Sarr:« Senghor est un individu très complexe qu’il faut lire en longueur et en intégralité pour pouvoir se faire une idée la plus juste de ce qu’il a été. Aujourd’hui, je reçois ce prix Goncourt. A priori ça n’a rien à voir avec Senghor, mais je ne peux pas dire que venant du Sénégal, je n’ai pas bénéficié d’une certaine image, d’une certaine attention accordée à la culture et enseignement auquel Senghor a beaucoup contribué. »

Aujourd’hui, le prix Goncourt fait un pas de plus vers la diversité, avez-vous l’impression d’avoir apporté votre pierre à l’édifice dans cette marche vers l’inclusion en France ou même en Europe ?

Mohamed Mbougar Sarr:« En tout cas, je pense que c’est un signal fort. Cette distinction a aussi des implications symboliques, c’est une forte ouverture sur l’espace francophone et la diversité qui n’est pas faite simplement au nom d’une sorte de discrimination positive ou de faveur que l’on ferait. Ça peut aussi être un moyen de montrer que la France est parfois beaucoup plus grande, beaucoup plu noble et ouverte que ce à quoi on peut ou on cherche à la réduire parfois ce qui n’empêche pas de voir tous les problèmes qu’il y a. Et donc si mon livre et si cette consécration peut contribuer à plus d’harmonie, d’ouverture et de paix sociale et bien tant mieux. »