Il a la Guinée, l’Afrique et le monde dans ses tripes et son cœur, Monénembo. Saharienne indigo, son roman dont la sortie est prévue en janvier 2022 aux éditions du Seuil est l’une des illustrations éloquentes. Qu’il étripe nos défauts ou chante nos gloires d’antan, prospecte notre futur, Monénembo est invariablement le même, toujours la plume effervescente à la main pour nous interroger et nous faire languir à travers ses héros.

Des crapauds-Brousse, roman majeur de la littérature africaine qui retrace les turpitudes de l’intellectuel africain ; des Écailles du ciel au Terroriste noir, d’Un Attiéké pour Elgass à l’Aîné des orphelins, de Pelourinho au Roi de Kahel, l’« Escritore » garde la même verve, la même rage pour dire ce que voudraient entendre lecteurs moyens et spécialistes des lettres. Il nous fait voyager de Conakry à Katmandou, sans oublier Paris et ailleurs. Loin d’être l’expression d’une simple révolte d’un homme, Monénembo tord le cou de la langue française pour narrer le rêve d’une Guinée, d’une Afrique et d’un monde qu’il a connu et espère retrouver. Ce n’est pas que le Renaudot guinéen croit que tout soit perdu ou qu’il soit nostalgique. Il est tout simplement attaché à un monde plus juste et plus équitable. Oui, un monde, le sien et en même temps le nôtre qui le tienne à cœur.

C’est  dans  ce monde-là que nagent les personnages de Saharienne Indigo comme la Guinée d’hier et d’aujourd’hui, pour retrouver les espoirs d’antan et bâtir des lendemains meilleurs.

Monénembo n’est plus, depuis longtemps, un simple écrivain africain encore moins guinéen. Il est bien au-delà de l’écrivain francophone. Il est en cours d’entrer dans l’universel, si ce n’est déjà fait. En tout cas, il n’est plus ce genre d’écrivains dont parle Kaoutar Harchi qu’on pourrait « intégrer  (dans  la littérature mondiale) mais dans la distance, célébrer mais dans la différence ».  Abreuvé de culture française dès sa tendre enfance, bercé par sa grand-mère de récits traditionnels,  Monénembo  est, par sa plume, le réparateur de torts : ceux de la colonisation et des indépendances, des hommes et des pouvoirs.

Le Terroriste noir est  la  preuve  irréfutable du désir de justice de l’écrivain car Ady Bâ, le héros du roman est en chacun de nous. Il est en chaque tirailleur sénégalais méconnu par l’histoire coloniale et postcoloniale. Il est tout autant le pourfendeur des dictatures noires.

Les Crapauds-Brousse (déjà mentionnés) peuvent se lire dans le sort funeste de l’intellectuel africain sous Sékou Touré, Idi Amine Dada, Bokassa, Mobutu ou Alpha Condé. On voit bien que Monénembo ne prend pas la plume dans le simple désir de noircir la page mais dans sa volonté irrépressible de construire ou reconstruire un monde souvent émietté. Si ce n’est en perdition. Il est irréfutablement cet éveilleur de consciences qui s’affirme encore plus à travers Saharienne Indigo qui  raconte  le  destin tumultueux mais plein d’espoir des héros du roman. Plus exactement d’antihéros dont le non conformisme tranche d’avec une certaine hypocrisie des cités africaines.

Brisant les tabous, racontant le sort injustement réservé à un tel dans des pages qui vous donnent le tournis et vous emportent en même temps par le nirvana du verbe, Tierno Monénembo se montre inégalable.  Disons,  modestement,  il est au-dessus de bien d’écrivains. Moraliste comme la Fontaine, humaniste comme Sartre, Malraux, Bertolt Brecht dont il a en plus l’exil en partage, voire l’Orléanais Etienne Dolet (1509-1546), Monénembo, c’est ce dénonciateur du statu quo qui a tout de ces grands écrivains.  En  outre,  Le  Che, Hemingway,  Cheick  Hamidou Kane, Faulkner, Flaubert, Amadou Kourouma, William Sassine, Camara Laye, susurrent sans conteste dans le cœur et l’esprit des personnages de Saharienne Indigo qui s’emparent du sommeil du lecteur.

Oui, ils ne laissent pas dormir parce qu’ils interrogent, tiennent en haleine dès la première phrase lue, la première page tournée. Une fois de plus, l’écrivain pose les problèmes. A nous de trouver la solution.

En tout cas, dans Saharienne Indigo, c’est, au-delà des soubresauts et des blessures d’une vie de personnages, la question de la condition humaine qui est posée. C’est le passé, le présent et le futur de tout un pays, de tout un continent, de toute l’humanité, sans exagération aucune, qui sont questionnés par Véronique Bangoura, Raye, Atou et autres personnages du roman.

Avec Saharienne Indigo, ce roman palpitant, ce n’est plus Le Goncourt, c’est bien Le Nobel qui s’annonce pour Tierno Monénembo.

Infailliblement, le dernier texte de la fratrie romanesque de l’écrivain qui en compte douze (12) fera parler de lui plus que ses aînés.

Par Lamarana-petty Diallo

lamarabapetty@yahoo.fr