François Soudan jette son acolyte dans la gueule du loup, à travers un édito publié le 29 août 2022 par Jeune Afrique et intitulé « Alpha Condé, un an après, derniers secrets d’un exilé ». Selon JA, par cette sortie l’allié d’hier de Condé a déclenché l’ire de Mamadi Doumbouya, lequel est par ailleurs allergique aux critiques et assimilant toute recension des faits et gestes de l’ex-chef de l’État à une campagne de déstabilisation pilotée par ce dernier, la junte souhaite en effet qu’il fasse l’objet d’un silence médiatique total.

Depuis des jours entiers, un sujet alimente bien des débats et autres échanges dans certains lieux publics, notamment à Conakry. Cette situation fait suite à la publication dans JA d’une succession de déclarations que François Soudan attribue à Alpha Condé. Comme : « Si j’avais su que Doumbouya était un ancien légionnaire français, je ne l’aurais jamais choisi … » Alpha Condé argue par ailleurs que « Le CV de Doumbouya ne m’a jamais été soumis ». Suffisant pour François Soudan de jeter la polémique et de raviver les débats.

Sauf que, dans une interview accordée à RFI, le 15 novembre 2021, soit trois mois après la chute d’Alpha Condé, Mamadi Doumbouya avait expliqué : « Et pour être clair avec vous, le professeur Alpha Condé qui a été président de la République de Guinée, on s’est vus deux fois. La première fois qu’on s’est vus, c’était le 2 octobre 2018 pendant les fêtes d’indépendance de la République de Guinée. Et après cela, on s’était vus dans une cérémonie lors d’un décès. Je pense que la loyauté était entre le pays et un homme… le choix est vite fait. Je pense que je n’étais pas venu pour servir un homme, mais j’étais venu pour servir la République de Guinée, et en tant que soldat, ma mission était de servir la République. »

Avec cette déclaration de Mamadi Doumbouya, on est tenté de croire à Alpha Condé, malgré son sens élevé de manipulation. Soit, il a été obnubilé par un facteur subjectif (couleur tribale ou influence d’un tiers dans son entourage). François Soudan estime d’ailleurs que la nomination du colosse serait venue d’un groupe de pression composé du Premier ministre Kassory Fofana, du ministre de la Défense Mohamed Diané, de son conseiller spécial Tibou Kamara et du général Namory Traoré.

Ce qui est évident, Doumbouya a bénéficié d’une ascension météoritique. Selon JA, Capitaine, commandant puis lieutenant-colonel en l’espace de deux ans. Et Alpha Condé lui-même était sous le charme de Doumbouya. Pour rappel, le 2 octobre 2018, quand les hommes du Groupement des Forces Spéciales défilaient encagoulés dans le stade du 28 septembre lors du soixantième anniversaire de l’indépendance, à la cadence ultra lente des forces spéciales (28 pas par minute), les Guinéens étaient admiratifs et Alpha Condé ne cachait pas, selon JA, sa fierté lorsque l’un de ses invités, le président congolais Denis Sassou Nguesso, ancien officier parachutiste, se penche à son oreille et lui murmure : « Tu as tout ça ? » Condé partage aussitôt les images du spectacle à ses amis depuis ses quatre ou cinq téléphones portables. Quelques jours plus tard, sur un plateau de la télévision guinéenne, il s’exclame en riant : « Vous les avez vus ? Toutes les femmes sont tombées amoureuses de Doumbouya. Malheureusement pour elles, il est déjà marié ! »

Comment Alpha Condé, certes très sûr de la réforme qu’il a apportée à son armée a-t-il eu autant de confiance en celle-ci, allant jusqu’à déclarer qu’il n’y aura plus de coup d’Etat en Guinée ? Comment se fait-il qu’avec autant de raccourcis dans la gradation que le locataire de Sékhoutouréya, informé de tout et sur tout n’ait pas connu que Doumbouya est légionnaire, qui par ailleurs reste un autre protégé d’un certain Idy Amin, en exile diplomatique au Cuba ? Les intrigues sont entières. Et les liaisons Soudan-Condé et Doumbouya sont loin d’être élucidées. En voilà les preuves !

Source: kababachir.com